Écrits

Un certain détachement

24 passages écrits et le passage 25 filmé

Le livre : 24 passages

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Passage n° 25 : la vidéo


La toile, des places imaginaires

Une vidéo et un texte (en cours d'écriture)

Vidéo :

La mia natura statica e il tuo nomadismo

LA TOILE, DES PLACES IMAGINAIRES

GRILLES AU SOL/LES 2 CHIENS/VUE DE L’EAU/L’ARSENAL/LE CINÉMA EN MORCEAUX


Quand j’écris le titre, il y a déjà tout le livre. C’est un récit curieux qui se pose de place en place, d’image en image. Les rushs filmés en juin 2009 introduisent les chapitres. Les extraits de ma correspondance avec G ponctuent parfois le récit dans une partition à 2 mains. On y trouve des descriptions, des dialogues, des pensées, tous écrits pour être dits, peut-être. Imaginez une pièce où on joue les didascalies et les réflexions cachées des personnages. Imaginez aussi qu’ils soient autant de respirations dans le corps du texte. La trame est contenue dans mon enfermement à Rome, il y a bien longtemps. Elle glisse aussi au sol avec les grilles filmées dans un palazzeto vénitien, beaucoup plus tard.

LES GRILLES QU'ON FERME…
Grille 1 : Ouvrir sur le reportage
Grille 2 : la partition à 2 mains
Grille 3 : J'écrirai avec mes tripes
Grille 4 : Le Vide
Grille 5 : Où sommes-nous enfin ? Dans quelles secousses ?
Grille 6 : « Il faut avoir déjà vécu les choses une première fois avant de pouvoir les filmer » H. Guibert
Grille 7 : Bribes
Grille 8 : Archéologie d’une rencontre
Grille 9 : tu sembles disparaître dans l’eau de pluie

LES GRILLES QU’ON OUVRE…
Grille 10 : les enfants veulent toujours partir avec le cirque
Grille 11 : la ville posée sur la rambarde

Je feuilletais les pages d’un livre de décoration choisissant des papiers peints ridicules pour une chambre de jeune fille. Elle m’interrompait souvent, amusée. Me conseillait. Enfin, tu ne vas pas mettre cela sur tes murs ? Il y avait, il y a eu des attentes, des ruptures, de l’amitié.

De l’autre côté de la table dans la cellule G consultait mon journal de bord et arrachait parfois les marges : commentaires, repeints ? Elle réécrivait plus précise dans ses mots :

Roma 11-05-2010
È vero la storia, le nostre storie non girano in cerchio ma nelle diversità dell’inclinazione, la mia natura statica e il tuo nomadismo (fisico mentale e culturale), trovano nuovamente in questo viaggio breve il punto di raccordo che ha il suo centro nell’affinità o meglio in uno slancio originario che mai ha cessato di rinnovarsi nel ricordo, nella corrispondenza, e infine dal vivo in questo incontro. Sei sempre tu, sono sempre io, attraverso traiettorie diverse ma percezioni altrettanto acute e chiare nel loro fissarsi nella nostra anima incidendo un tratto neto nella nostra consapevolezza di noi e del mondo, e della misteriosa belleza che è lecito cogliere.

C’est vrai cette histoire, nos histoires ne tournent pas en boucle mais suivent des inclinaisons différentes. Ma nature statique d’un côté, ton nomadisme physique, mental, culturel de l’autre retrouvent au cours de ce voyage rapide le point de raccord qui a son centre dans l’affinité. Ou au mieux dans un élan originel qui n’a pas cessé de se nourrir du souvenir, notre correspondance et enfin le vécu de tout ce récit. Tu es toujours toi, je suis toujours moi au travers de trajectoires diverses mais une perception aigüe, claire les figent dans notre âme. Elle tire un trait dans la connaissance de nous-même, du monde et de cette mystérieuse beauté qu’il est licite de cueillir.

La Gardienne impatiente s’adresse à C :
- À partir de quand cela sera tranquille pour vous ? Quand cela devient-il imaginable ? Il vous faut travailler là-dessus. Il faut que cela soit possible dans le réel. Finalement vous avez choisi la situation qui vous arrange le plus : le refus. C’est plus facile. Quand on assume ce qui arrive cela devient modulable. Faire une œuvre avec un tabou. Être un peu le Lacan du Mango. N’oubliez pas. Il y a toutes sortes de monstres. Ils sont un double ou une métaphore de celui qu’on veut éliminer.

« Chaque seconde est une poignée de terre » lui répète-t-elle au téléphone depuis sa campagne. Elle l’appelle régulièrement depuis qu’elle a pris la piste à l’envers. Elle était venue la chercher en moto. Elles roulaient sans casque. Coteaux, vallons défilaient. Vieilles…

…pierres, vignes éparses, vins délicats. C lui disait : – tu ne crois pas que c’est dangereux ? G lui répondait : – Mà non c’é mai nessuno. (Mais non il n’y a jamais personne). Et ces routes je les connais les yeux fermés. C se souvenait qu’elle lui avait déjà décrit cette déambulation rêvée.

Roma 11-05-2010
Come il tratto di strada assolato dove abbiamo fatto l’autostop da Nizza aTolone: la mattina abbagliante e calda, la nostra mancanza di fretta incuranti del traffico e indifferenti nel sollecitare un passaggio, prese nel sole en el piacere del momento di libertà e di ozio ben disposte anche all’idea di perdere tutta la giornata cosi, un passo dopo l’altro lungo la strada mentre le automobili ci sfrecciano accanto e noi neppure le guadiamo mentre seguiamo il filo tenue e distratto delle nostre parole svagate tra il fumo delle sigarette l’orizzonte luminoso del mare il sole che brunisce le nostre membra e la calma euforia di una aspettativa ancora priva di una forma…

Comme ce bout d’autoroute ensoleillé où nous avons fait de l’autostop de Nice à Toulon. Le matin baille avec la chaleur et il y a notre nonchalance par rapport au trafic routier, notre indifférence dans la recherche d’un quelconque passage en voiture. Prises par le soleil, le plaisir de ce moment de liberté et d’oisiveté. Prêtes à l’idée de perdre même toute la journée : un pas après l’autre le long de la route tandis que les automobiles se pressent à nos côtés. Nous ne les regardons même pas tandis que nous essayons de garder le fil de nos paroles vagues entre deux bouffées de cigarettes, l’horizon lumineux de la mer, le soleil qui brunit notre corps, la calme euphorie, d’une attente privée de forme.

Retranscrire le mail de G, ancienne lettre retrouvée. Le 14 Février 2011
Cara C, proprio ieri ho ritrovato tra le pagine di un libro un’altra delle tue lettere che comincia proprio con…
« Bonjour ! J’ai l’impression de ressortir une image du vieux temps — en te parlant aujourd’hui — je voudrais briser ce silence, cette muraille de protection dont tu t’entoures. Cette longue absence de toi que tu imposes ainsi à tous ceux qui t’aiment. Pourquoi te caches-tu toujours ? As-tu donc si peur d’être aimée ? D’aimer, de t’aimer.
Faut-il donc que tu sois ainsi abstraite à l’amitié, aux choses pleines de la vie. Petite plante secrète qui fait son possible pour ne pas pousser, Violette, qui ne veut pas être vue.


Pourquoi s’imposer toutes ces souffrances ? Quand fêteras-tu les retrouvailles avec ton corps ? Avec toi ? Dis-nous.
Ce combat sourd que je t’ai toujours vue mener contre ton bonheur, je voudrais que tu me dises sa mort. Que tu m’annonces sa fin. Chaque jour je me sens plus femme, plus épanouie et chaque jour je désire très fort que toutes mes sœurs le soient aussi. Condition sine qua non…
Et je voudrais avoir de tes nouvelles mais il y a des mois maintenant que tu ne réponds plus. Plus jamais aux lettres. Et je suis triste. Que faut-il faire pour t’entendre vivre encore, pour savoir que tu existes profondément là-bas, cachée derrière des problèmes qui ne sont pas vraiment les tiens : la crisi, la scuola, la casa, etc.
Jusqu’à quand faudra-t-il attendre pour te voir rayonner ? Toi, femme, amie, petite sœur, corps inutilement meurtri et oublié, mais corps vibrant, jolie tête, yeux bleus, cœur chaud.
Tu me manques beaucoup et je crois qu’un jour prochain viendra où je prendrais un billet de train pour te parler même si c’est seulement pour quelques heures.
Des nouvelles je pourrais t’en donner aussi mais il suffit de te dire que je vais bien, tout à fait.

Je t’embrasse,
Ton amie C »
(dessin d’une petite fleur à côté sur la lettre, une violette)